La course du soleil

J'étais encore là, ce matin, à observer le lever de ce même soleil.
Chaque matin sans pluie, sur ce banc fait d'un tronc d'arbre couché, j'observais ces premiers rayons du jour.
Ils commencent par atteindre quelques nuages perdus dans ce ciel bleu qui s'éclaircit à chaque seconde, les colorant de rouge et de rose, avec quelques traits jaune-orangé. Parfois l'on peut voir des formes dans ces nuages: des animaux, des objets. Puis les rayons atteignent les premiers immeubles et hauts bâtiments, je commence à voir la ligne de lumière qui descend, lentement, d'étage en étage, jusqu'à atteindre les maisons. Tranquillement, la lumière vient se poser sur mon visage, éblouissant les conducteurs qui passent sur la route à quelques pas de là. Ensuite, les fleurs et herbes se mettent à briller, de petites étincelles dansantes autour de moi. Petit à petit, cette boule de feu et flammes se hisse dans notre ciel, réchauffant, éclairant, réjouissant les petits enfants qui courent jouer dans les parcs et les amoureux qui se promènent sur les chemins.
Un peu plus tard des nuages ont couvert le bleu qui me surplombait, atténuant ces rayons. Il n'y avait plus d'enfant dans les parcs quand la pluie s'est mise à tomber. Une pluie fine, des millions de gouttelettes se déversant en léger rideau sur la terre et le goudron, sur ces arbres verts et ces voitures, faisant ressortir les couleurs aux yeux de celui qui veut bien prendre le temps d'observer. Les amoureux ne se baladent plus sur les chemins, ils se tiennent dans les bus où profitent de moments de repos à la maison, devant un film ou un jeu. Les mères et pères qui accompagnaient les petits sont maintenant au travail ou dans leur voiture, allant faire des courses dans des magasins et supermarchés. Et des vies se croisent, des corps ayant vécu de magnifiques moments, des voyages aux quatre coins de la Terre, des activités que d'autres ne connaissent même pas. Les regards se croisent sans jamais prendre le temps de vraiment se regarder, de comprendre les anges et démons qui se cachent au fond de ces yeux.
Le vent s'est levé dans l'après-midi, faisant baisser la tête aux corps se frôlant dans les rues, courbant les branches des arbres et pliant les herbes. La pluie fouettant les pare-brise, giflant les vitres des maisons et trempant toute âme qui oserait pointer la tête à l'extérieur, allant des papys et mamys et leur chien jusqu'à la nouvelle vendeuse au supermarché du quartier qui, ayant fini son service, traverse au pas de course la centaine de mètres qui la séparent de son véhicule.
Les nuages s'en sont allés peu avant que ce cher soleil décide de se retirer aussi, fatigué de devoir être si brillant toute la journée, tentant de montrer un exemple que tant de gens ne suivent pas. Au fur et à mesure qu'il descend, les ombres se rallongent sur le sol, la fraîcheur se fait sentir et les lampadaires s'allument le long des allées. Lors des derniers rayons de soleil, les couleurs matinales se décident à ressurgir un dernier instant, enflammant les cieux pour le plaisir des regards levés. La lumière remonte en haut de ces immeubles, retournant dans notre ciel qui s'assombrit tandis que le soir arrive. Seule la lune est éclairée par notre plus lumineux astre au moment où la nuit se fait sombre et que les gens rentrent chez eux. De la fumée s'élève des cheminées, de bons plats se préparant dans les habitations et restaurants.
La nuit devrait être calme, mais je ne la raconterai pas. Mon ventre gronde à sentir ces odeurs de nourriture et ce pauvre tronc coupé m'a bien assez vu pour le moment. Mais je reviendrai demain, si les nuages veulent bien me laisser quelques minutes, juste quelques instants, les meilleurs de la journée, lorsque les premiers rayons du jour atteignent quelques nuages perdus, lorsque le ciel brille de toutes ces splendeurs que le monde ne pense pas à observer.