Lettre à Amandine

Thiepval, le 29 Juin 1916, jeudi matin

Ma chère,

Je vous adresse cette lettre avant mon retour qui, si le calme subsiste, ne saurait tarder. Le ciel est serein ce matin, il me semble être de retour à la maison. Je me rappelle votre main si douce et vos sourires enivrants, ils me bercent lorsqu'il est mon tour de trouver le sommeil. Mais celui-ci est rare.
Le ciel est excessivement désert et cela perturbe tout le régiment ; certains suspectent une attaque imminente. Comme je n'ai que peu d'instants pour vous écrire, j'en profite en ce moment, lorsqu'ils sont tous aux aguets.
J'ai reçu votre lettre il y a deux jours.
Mon silence est dû à une tentative des boches de prendre notre tranchée, ce qui n'a laissé que la moitié du régiment en état, mais nous les avons renvoyés chez eux.
Vous me parlez de vos parents qui s'en vont suivre des amis vers le sud, anxieux à la vue de l'avancée ennemie. J'espère de tout cœur que vous resterez pour m'attendre, votre présence me manque et sachez qu'une chambre pour nous seuls me ravirait follement. Il est vrai que j'ai eu de la peine à vous témoigner mes sentiments avant mon départ car je ne voulais vous faire trop de peine si la guerre m'avait empêché de rentrer.
À l'instant, on me dit que des tommies viennent en renfort, que pourrions-nous craindre ?
Vous habitez encore et toujours mon esprit, vos promesses retentissant davantage que les épisodiques pluies d'obus à mes oreilles. Sachez que mon corps se réchauffe en prononçant votre nom et que mes yeux secs se rallument en l'honneur de ma flamme qui brûle pour vous. Mon amour, nous nous verrons sous peu ! J'ai en réserve bien des choses qui n'ont pas leur place sur un champ de bataille. Elles sont pour vous. Je serai là pour votre cœur, pour votre bouche, pour vos mains, pour un plaisir partagé chaque nuit restante de nos vies. Ma douce Amandine, mon retour approche, n'en doutez point.

Nous serons réunis dans la semaine qui vient,
Votre dévoué,
Marcus