Textes

Elias - 17

La passerelle en bois traversait les airs pour relier les troisièmes étages de deux petit immeubles, par-dessus la rue. Elle était parée de motifs combinant spirales et et angles droits, tout en symétrie. Un groupe de jeunes gens qui s’y trouvait les observa passer et leur fit un signe de la main. Elias eût envie de se jeter sur le bas côté pour se cacher dans la glycine. Coralie pédalait devant et ne semblait pas les avoir repéré. Il leur répondit en essayant d’imiter le même geste, avec deux doigts levés, tout en gardant le contrôle de son vélo sur les pavés ; iels éclatèrent de rire.

Elias - 16

Coralie eût la désagréable sensation que sa cup était pleine. Elle la portait depuis bien trop longtemps à défaut d’avoir trouvé un coin pour la laver. À quelques pas, Elias dormait comme un bébé. Elle passa la tête hors de la yourte et fut frappée par le vent frais et le silence qui régnait. Elle s’était levée aux aurores et personne – pas même un oiseau – ne bougeait à cette heure-ci.

Elias - 15

Elias prit une gorgée de soupe et se brûla la langue. Surpris, il recracha le tout devant lui, sur ses chaussures. Il saisit son sac et calma la douleur de sa bouche en vidant la fin de sa gourde d’un trait. Il remarqua alors que Coralie pouffait et tenta de garder une contenance alors qu’il s’essuyait la bouche puis frottait ses chaussures dans les pâquerettes. Un petit morceau de patate coincé dans ses lacets l’amena finalement à en rire aussi.

Elias - 14

Coralie hésita devant l’entrée. La barricade traversait toute la route, renforcée de clôtures et de piques sur les côtés. Une apparence défensive qui ne faisait pas ressortir l’hospitalité attendue. Pourtant, accroché entre un arbre et une poutre verticale au-dessus d’elle, une banderole gigantesque annonçait :

«Bienvenue aux souris, aux renards, aux grèbes et aux âmes bienveillantes.»

Elias - 13

Le haut mur en pierre qu’Elias et Coralie longeaient laissa soudainement place à une maison dont la cour jouxtait leur passage. De la fumée s’échappait d’une cheminée sur le toit et une odeur de pain leur parvint en passant. Elias éprouva un creux dans son estomac. Sous le porche, quelques personnes en pleine discussion les remarquèrent et, après un temps d’étonnement, les montrèrent du doigt et échangèrent quelques paroles vives. Elias chercha un contact visuel avec Coralie qui semblait tout autant prise au dépourvu. Iels accélérèrent.

Elias - 12

Coralie baissa la tête, une branche siffla à son oreille. Les arbres se pliaient par-dessus le chemin et elle peinait à regarder à la fois le sol et les airs pour tenir sur sa selle. Elle se redressa à temps pour voir Elias, à côté de son vélo, qui lui faisait signe de s’arrêter discrètement. Ses freins crissèrent, elle joua avec la pression de ses mains pour en limiter le bruit.

Elias - 11

Waou, quelle vitesse dans les descentes. Elias s’accrochait au guidon de son vélo et l’air frais faisait remuer ses habits. Coralie et lui venaient d’arriver sur une piste en terre large de plus d’un mètre, dépourvue des racines et cailloux qui avaient jonché le sol régulièrement depuis leur départ. Leur attention sur le chemin pouvait se relâcher un peu et iels pédalaient à meilleure allure.

Elias - 10

Coralie se gratta le bas du dos, dormir dans la paille ne l’aidait pas à se reposer. Deux jours dans ce lieu déconnecté du monde. À chaque repas, il y avait à table des gens qui discutaient et riaient, comme si l’eau et l’air du lac à quelques centaines de mètres n’étaient pas mortel, comme si les gens de l’usine ne pouvaient débarquer n’importe quand.

Elias - 9

Des petites clochettes violettes fleurissaient les unes après les autres. De grandes feuilles vertes, poilues. Elias était assis dans un jardin de consoudes et leur présence apaisait déjà sa jambe. Le soleil semblait être passé à l’ouest derrière le voile nuageux et son ventre grondait encore, mais il n’était pas prêt à aller jusqu’au bâtiment qui se dressait au fond du champ. Son genou avait besoin de temps et de douceur, son ventre pourrait attendre encore une heure.

Elias - 8

Les algues qui se décomposaient sur les bords du lac empestaient de gaz à peine moins toxique qu’à l’usine. Les fumées montaient tels des fils cousus à la masse sombre dans le ciel. Coralie passait de buisson en bosquet, d’arbre en rocher, de ruine en monticule de pierre pour avancer discrètement. Elle avait fui de l’usine à toutes jambes, mais s’était arrêtée aux premières plantes qui avaient pu la cacher. D’abord pour inspirer assez d’oxygène pour se débarrasser de son point de côté, ce que son masque la laissait faire à grand peine.

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